Les canaux de Patagonie constituent un immense dédale, formé par les contreforts de la Cordillère des Andes à moitié ensevelis sous la mer. Inutile de préciser que le décor est grandiose ou sublime, les agences de voyage s’en chargent parfaitement bien. La particularité d’une navigation dans ce labyrinthe est l’isolement total, l’absence de toute présence ou trace d’humanité, hormis quelques petits bateaux de pêcheurs de crabes. Et ce qui constitue le luxe ultime, pas de connexion internet ou de réseau téléphonique. Nous sommes absolument tranquilles de ce côté-là. Il nous fallut deux mois pour remonter des îles du Cap Horn jusqu’à celle de Chiloé, qui marque la fin de la Patagonie chilienne. Pendant des semaines, nous longions des rives vertigineuses, couvertes de végétation en bas et de neige en haut. Le sol était recouvert d’un épais tapis de mousse, rendu spongieux par les pluies quotidiennes. C’était, vous l’avez compris, un rivage plutôt hostile aux randonneurs. Chaque soir, nous jetions l’ancre dans une crique abritée des vents dominants. Nous tendions des cordages à terre pour amarrer solidement le bateau au cas où une rafale de vent se mettrait en tête de nous chasser de là. C’était une des spécialités de la […]
La marina Mikalvi à Puerto Williams est le lieu de rendez-vous incontournable des cap horniers et autres navigateurs au long cours…
Bien à l’abri dans notre crique de l’île des États, nous entendions siffler le vent furieusement sur les crêtes. Puis un jour, le bruit du vent se fit plus doux. C’était le signal du départ. Moins de 24h plus tard, après avoir traversé le redoutable détroit de Le Maire, nous embouquions le canal Beagle, un étroit couloir d’eau protégé des houles océaniques. Derrière nous l’Atlantique, devant, le Pacifique. Au nord, la Terre de feu, au sud les îles du Cap Horn. Tandis que nous étions à présent hors de tout danger, à quelques encablures de la civilisation, je repensais à la sensation époustouflante de liberté que nous ressentîmes en naviguant dans ces immensités sauvages. Même si nous étions absolument incapables d’y survivre sans nourriture embarquée et sans le confort chauffé de notre carré, nous pûmes imaginer le suprême bonheur des êtres qui y parviennent. Au milieu du canal Beagle trône Ushuaia, la célèbre ville du bout du monde. Trop célèbre hélas… Quel choc ce fut de débarquer dans la rue commerçante d’Ushuaia après des semaines de navigation loin du monde, et d’y rencontrer des gens de Courchevel venus faire du ski ! Grâce ou à cause de Nicolas Hulot qui en […]
Je quittais à regret mon ami Gaston et reprenais ma navigation vers le sud. Devant moi la Terre de Feu, le Cap Horn et les canaux de Patagonie. Pour cette partie du voyage, un équipier me semblait indispensable. Je ne voyais pas comment amarrer seul mon bateau dans des mouillages parcourus de violentes rafales (les célèbres Williwaw qui, dit-on, vous tombent dessus sans prévenir), ni comment me reposer en navigant dans les canaux. Je passai une annonce sur le site internet la-bourse-aux-équipiers.com : Recherche équipier ou équipière de bonne compagnie pour naviguer en Patagonie. Par la seule magie du mot Patagonie, je ne tardai pas à recevoir des dizaines de propositions. Parmi elles, je retins la candidature de S…, une jeune architecte parisienne. Le style direct de son message et, je l’avoue, le joli portrait l’accompagnant, pesèrent dans la balance. Son CV nautique était aussi maigre qu’un mannequin de chez Cartier, mais je préférais mille fois naviguer avec une jeune et jolie équipière qui a soif de découvertes, plutôt qu’avec un vieux loup de mer qui sait déjà tout. S… était disponible rapidement. Nous convînmes de nous retrouver à Rio Gallegos, une ville dotée d’un aéroport, située à 50 miles […]
Au cœur de la Patagonie se trouve la Peninsula Valdez, paradis des baleines, orques, otaries, touristes et autres pingouins. Mais je ne vis personne quand j’y débarquai en plein hiver. Ce n’était pas la saison. N’ayant pu me faire d’amis, je la quittai sans regret pour Puerto Deseado, à 270 miles plus au Sud. J’avais repéré sur la carte un mouillage bien abrité à mi-chemin, au cas où le temps se gâterait, la Caleta Hornos… Le temps était au beau fixe quand je la croisai, mais je décidai quand même de m’y arrêter par curiosité. J’y accédai par un étroit chenal qui débouchait sur un joli petit bassin intérieur, entouré de collines protectrices. Il n’y avait, bien sûr, pas un chat, mais pour le reste, c’était jour de fête ! J’observai une grande variété d’oiseaux, une colonie d’otaries, appelées aussi lions de mer, et des guanacos, (une sorte de lama sauvage) sur les hauteurs. Je jetai l’ancre au beau milieu de la calanque et coupai le moteur. Un silence respectueux m’accueillit, moi, le roi de la Création. Il faisait beau, la température était douce ; c’était le moment et l’endroit idéal pour mettre au point tout un tas de choses avant d’attaquer […]
Une fois n’est pas coutume, ce n’est pas un journaliste qui s’adresse aux citoyens, mais un citoyen qui s’adresse aux journalistes. Les récents articles parus dans la presse internationale sur la situation au centre du Mali, évoquent de plus en plus les risques d‘un conflit interethnique entre Peuls et Dogons. Certains journalistes pour prendre les devants, n’hésitent pas à parler de génocide programmé ! Ces articles sont relayés par les médias locaux, régionaux, internationaux et les réseaux sociaux. Tout le monde s’attend donc au pire. En évoquant ce risque terrible de génocide, quel rôle jouent les médias ? Celui d’informer, d’alerter, de prévenir, diront les nostalgiques de l’époque d’Albert Londres. En 1929, Albert Londres, suite à 4 mois de reportage en Afrique noire, révélait à l’Occident les conditions de travail inhumaines sur les chantiers des chemins de fer et les exploitations forestières au Congo. Il remit, par la même, en cause l’idée communément acceptée en Europe, de la mission civilisatrice de la colonisation. Son reportage toucha la sensibilité des citoyens, qui se demandèrent comment on pouvait prétendre civiliser qui que ce soit avec des méthodes aussi barbares *. Les colonialistes l’accusèrent de trahir sa patrie et le menacèrent de mort. Mais Albert Londres, […]