Pèlerinage au Tchad

Pèlerinage au Tchad

Nos chameliers ne parlent plus. Cela signifie qu’eux aussi commencent à souffrir de la chaleur… Ce n’est pas trop tôt, car ces gars-là sont des durs à cuire ! Ils ne montrent jamais leur degré d’épuisement. À 10 h, Mamat, le chamelier en chef, avise quelques touffes d’herbe et décide de s’arrêter afin que ses chameaux en profitent pour se restaurer. Il remarque également que les Nassaras – c’est nous – ont l’air cuits, mais il n’a aucune pitié pour eux. Pourquoi en avoir ? Les Blancs ont-ils pitié des pauvres nomades comme lui ? se dit-il.

A l’Ouest, rien de nouveau.

A l’Ouest, rien de nouveau.

A mes amis Bamakois. Le 17 mars à Marseille, s’est tenu le forum Europe-Afrique sur le thème : métropoles européennes et africaines, les actrices de la relance mondiale. Étaient présents le ministre français du commerce extérieur, les responsables de la métropole Aix- Marseille, quelques grandes entreprises européennes désireuses d’accroitre leurs activités en Afrique, et quelques responsables politiques africains venus exposer leurs besoins. Il faut savoir que la taille des capitales africaines double en moyenne tous les dix ans. Beaucoup de villes africaines dépasseront les dix millions d’habitants avant la fin de la décennie. Sur ce marché prometteur qui consiste à équiper les grandes métropoles africaines, les entreprises européennes, autrefois en position de quasi-monopole, sont à présent en concurrence avec le reste du monde. Comment rester attractives face à des concurrents qui cassent les prix et améliorent sans cesse leurs services ? Voilà un des défis que ce forum veut relever. Défi d’autant plus colossal que l’Europe n’a pas apporté aux capitales africaines une évolution particulièrement remarquable ces vingt-cinq dernières années.Je peux vous en parler, j’étais aux premières loges. Je me suis installé à Bamako, capitale du Mali, à la fin des années 90. À cette époque, Bamako était surnommée « […]

Con in fine S1 :E3

Des problèmes de santé et des ennuis mécaniques m’amenèrent à faire une escale de plusieurs semaines à Papeete. Mon bateau et mon corps avaient tous deux décidé de faire une halte. La marina de Papeete, où sommeillent paisiblement une cinquantaine de voiliers, se situe en plein centre-ville. Elle jouit d’une proximité agréable avec les établissements chics de la ville, boutiques, bars et restaurants. Bien que Papeete soit un important port commercial du Pacifique, il y règne une atmosphère débonnaire, semblable à celle des petits ports de plaisance en métropole. Il semblerait que le style polynésien parvienne à imposer son suave tempo à cette brutale activité économique. C’était la première fois depuis mon départ de Marseille, il y a quatre ans, que je reprenais vraiment contact avec mes compatriotes et leurs préoccupations du moment. J’écoutais le journal de France Inter en podcast le matin à la radio, entamais des conversations de comptoir au café du coin et participais parfois à des discussions animées à l’apéro en fin de journée. Je me rendis compte à quel point j’étais déconnecté. Je m’étais absenté quelques années à peine, mais entre-temps, le monde avait basculé. Je me demandais si un voyageur qui reviendrait après un […]

Con in fine S1 : E2

« Ce n’est pas ce que vous savez qui vous pose un problème, mais c’est ce que vous savez avec certitude et qui n’est pas vrai. » Mark Twain      Lorsque le confinement a été instauré en France, le 17 mars 2020, je me trouvais, par chance, au Mali. Ici, le coronavirus était encore un parfait inconnu. La vie suivait son cours habituel, rythmée par les baptêmes, mariages, décès, récoltes… Le soir, je me rendis chez mon ami Diawara, où se tenait notre grin. Le grin(mot bambara) est un groupe d’amis qui ont l’habitude de se retrouver pour discuter. Généralement, l’un d’eux prépare avec une extrême minutie et une savante lenteur une succession de thés, afin de donner aux conversations le temps d’aboutir. Au grin, nous parlâmes bien évidemment du confinement général décrété en France. L’atmosphère était détendue, car tous mes amis prenaient ce virus pour une foutaise. « Encore un truc de Blancs ! » disaient-ils. Car ils se moquaient souvent des Occidentaux, de leur rigidité d’esprit, mélange de vertus morales et de calculs mathématiques, et de leur besoin presque obsessionnel de chercher à tout contrôler. « Avec ce virus, les Blancs sur-réagissaient, comme d’habitude ! » pensaient-ils.      Je trouvais pour ma part […]

L’amitié, notre meilleure alliée (pour la paix au Sahel)

Je voulais intituler cet article « Le monde d’hier » en référence au livre de Stefan Zweig où il évoque avec nostalgie la vie à Vienne dans les années 1900. Une époque qui connut une richesse artistique et intellectuelle à jamais disparue dans la barbarie des guerres mondiales. Cependant, je veux croire qu’il y a encore un espoir dans le cas présent, même s’il est mince comme le portefeuille d’un sahélien. Il est un élément qui n’apparaît ni dans les calculs géopolitiques et les stratégies militaires ou commerciales, ni dans les programmes de développement concoctés par les Occidentaux. Et pourtant, c’est celui qui a le plus d’influence sur la société. C’est lui qui crée les alliances, construit les partenariats, favorise les associations, fait naître les entreprises et, enfin, garantit la paix et la prospérité. Cet élément s’appelle l’amitié. (Afin d’éviter les quiproquos, je laisse le mot amour aux religions et inclus les relations amoureuses à ma définition de l’amitié.) De toutes les choses qui relient les hommes entre eux, l’amitié est la plus grande. Elle surmonte toutes les différences. Quelques paroles, un petit geste suffisent à la faire jaillir du cœur de l’homme et à transformer deux étrangers en deux amis. À partir […]

L’impossible carpe diem

J’éprouvais quelque appréhension en rentrant en France après six mois passés à l’étranger. M’adapterais-je à cet univers paranoïaque dans lequel le monde moderne avait basculé ? J’arrivais il est vrai, d’une région où le coronavirus ne faisait pas peur à un moustique : l’Afrique noire. En débarquant à l’aéroport de Roissy-Charles de Gaulle, je ressentis immédiatement un pincement au cœur, car les visages des femmes étaient masqués. Je perdais ainsi le principal intérêt d’une escale à Paris.Mais je décidai malgré tout d’explorer la région plus en profondeur. J’empruntai le RER B. En contemplant la banlieue morne qui défilait derrière les vitres sales, les visages sombres et les corps voutés errant sur les quais, j’eus la brutale impression que le bonheur s’éloignait irrésistiblement de l’humanité. Ajoutez à cela l’inquiétude et l’ahurissement qui se lisaient dans le regard des passagers et vous vous seriez cru parvenu aux portes de l’enfer. On éprouve toujours cette sensation étrange quand on rentre d’Afrique, et la crise sanitaire actuelle n’a fait qu’accentuer ce phénomène.Pourquoi les Africains ont-ils l’air si heureux et si insouciants et les Européens si tristes et si soucieux, alors que les premiers n’ont rien et que les seconds ont tout ?Est-ce donc la peur de perdre leurs […]