Mort du migrateur

Mort du migrateur

 « Il faudra repartir. » Nicolas Bouvier Les frontières terrestres et aériennes de la plupart des pays du monde ont été fermées il y a quelques mois, pendant que je faisais paisiblement le tour du monde à la voile. Peu de temps avant cette fermeture, j’avais laissé mon voilier dans une marina bien abritée à Valdivia au Chili. Il me fallait régler quelques affaires en France, un aller-retour en avion de quelques semaines pensais-je. Depuis lors, il m’est impossible de rejoindre mon bateau et de poursuivre mon voyage.  « Le gouvernement chilien a fermé ses frontières aux étrangers et aux non-résidents. Aucune exception ne sera faite pour les navigateurs ! » me fait-on savoir au ministère chilien des Relations Extérieures avec humeur. Visiblement, ma démarche leur a semblé complètement déplacée dans le contexte actuel. N’ayant nulle part où aller, j’ai pu observer les inquiétantes conséquences de cette immobilité sur mon psychisme de migrateur. J’ai senti mon esprit s’engluer peu à peu dans les méandres du quotidien, du statique, mes pensées se noyer dans un brouillard d’informations inutiles, mon estomac se nouer à force de mal digérer les perpétuelles incitations à la peur de mon entourage. Puis, j’ai senti mon pas devenir plus lourd, mon corps […]

Con in fine

Lettre d’un français de l’étranger à un français de France Mon cher compatriote, Depuis bientôt 3 mois, tu vis sous le feu nourri d’un intense pilonnage médiatique auprès duquel la propagande de Staline ressemble à une réclame pour de la cire à moustache ! Noyé sous un déluge d’informations, abasourdi par le vacarme journalistique, enfumé par les milliers de fausses rumeurs, il t’est difficile de te faire ta propre opinion sur cette crise sanitaire. D’autant que l’opinion publique qui pourrait te servir de point de repère dans la tourmente fait l’objet de toutes les manipulations. Inutile de rechercher les responsables. Vas donc trouver un coupable dans une meute ! En vivant à l’étranger, on échappe quelque peu à ce maelstrom. D’ailleurs, n’étant pas soumis à la même emprise des médias, il n’est pas rare de se retrouver en décalage avec l’émotion communément ressentie dans notre pays devant l’actualité. Après quelques années d’expatriation, je ne tardais pas à trouver le JT national français affligeant. Son entame grave, son ton compassé, cette sensiblerie dégoulinante, ses interviews mièvres et bien-pensants, et pour finir, son réjouissant petit fait divers, comme un rayon de soleil offert à des rats de laboratoire, sont au journalisme ce que le […]

Journaliste, un métier dangereux

Une fois n’est pas coutume, ce n’est pas un journaliste qui s’adresse aux citoyens, mais un citoyen qui s’adresse aux journalistes. Les récents articles parus dans la presse internationale sur la situation au centre du Mali, évoquent de plus en plus les risques d‘un conflit interethnique entre Peuls et Dogons. Certains journalistes pour prendre les devants, n’hésitent pas à parler de génocide programmé ! Ces articles sont relayés par les médias locaux, régionaux, internationaux et les réseaux sociaux. Tout le monde s’attend donc au pire. En évoquant ce risque terrible de génocide, quel rôle jouent les médias ? Celui d’informer, d’alerter, de prévenir, diront les nostalgiques de l’époque d’Albert Londres. En 1929, Albert Londres, suite à 4 mois de reportage en Afrique noire, révélait à l’Occident les conditions de travail inhumaines sur les chantiers des chemins de fer et les exploitations forestières au Congo. Il remit, par la même, en cause l’idée communément acceptée en Europe, de la mission civilisatrice de la colonisation. Son reportage toucha la sensibilité des citoyens, qui se demandèrent comment on pouvait prétendre civiliser qui que ce soit avec des méthodes aussi barbares *. Les colonialistes l’accusèrent de trahir sa patrie et le menacèrent de mort. Mais Albert Londres, […]

A quoi bon

Avez-vous déjà entendu cette chanson de Boris Vian écrite en 1955, « La complainte du progrès » ? Un aspirateur, une tourniquette à faire la vinaigrette, des draps qui chauffent, un pistolet à gaufres, …. Et nous serons heureux ! L’écologie étant devenue notre nouvelle conquête, on pourrait à présent changer les paroles en : un panneau solaire, un échangeur thermique, une voiture électrique, …. Et nous serons écolos ! Nos parents ont couru en leur temps un lièvre qu’ils n’ont jamais pu attraper. Est-ce que la génération actuelle atteindra son objectif écologique ? Je le lui souhaite de tout mon coeur. Mais pour avoir une chance d’y parvenir, elle doit avant tout se poser les bonnes questions. Quand je quittai l’école à 20 ans sans diplôme en poche, pour, disais-je autour de moi, tenter de comprendre le monde dans lequel je vivais, on m’incita à consulter un médecin. J’y allai. Celui-ci diagnostiqua un « A quoi bon ». En effet, les études ne m’intéressaient pas, le travail non plus. Il avait posé son diagnostic, mais aucun remède à proposer. Alors je partis découvrir le monde. Il me suffisait de travailler deux mois pour couvrir mes dépenses d’une année. En […]

Gilet jaune,mon frère

Gilet jaune, j’entends que tu manifestes en France, que tu te plains des augmentations d’ impôts, et des taxes en tout genre, de la hausse du coût de la vie, de la baisse de ton pouvoir d’achat. Tu dis ne plus pouvoir joindre les deux bouts, et être obligé de bouffer de la merde pour vivre. Tu te plains d’être de plus en plus pauvre au lieu d’être de plus en plus riche comme c’était prévu par la croissance. Ta colère, dis tu, c’est le vase qui déborde, car cela fait des années voire des décennies qu’il se remplit de toutes tes déceptions. Moi, je suis un français résidant au Mali. C’est un poste d’observation particulièrement intéressant dans cette affaire. Dans ma cour à Bamako, nous avons un poste de télévision public, où les désoeuvrés se retrouvent le soir (j’ai limité la jauge à 20 places si c’est ta question…). Nous recevons les chaines francophones comme TV5 monde et France 24, qui nous informent de ce qu’il se passe en France en temps réel. Alors sache que les Gilets jaunes sont devenus un sujet qui nous passionnent ici, et les commentaires vont bon train dans le public, surtout lors des […]

L’Afrique, telle que je la vois.

L’Afrique, telle que je la vois.

Je me rappelle la première fois la que je suis arrivé en Afrique Noire, c’était il y a 30 ans, par le poste frontière d’Assamaka, entre l’Algérie et le Niger. J’avais traversé l’Algérie en autobus. A Tamanrasset, il n’y avait plus de bus, alors j’ai fait de l’auto stop auprès d’un groupe de français qui descendaient au Niger. Je les avais rencontrés au camping de « Tam », ils avaient acheté des vieilles voitures en France et comptaient les revendre en Afrique de l’ouest.  André, dit l’Africain, était le chef du groupe et la figure charismatique. C’était un vieux baroudeur qui prétendait connaitre l’Afrique comme sa poche. André roulait à travers le désert sans guide, ni GPS, ni téléphone (inexistants à l’époque), juste avec la célèbre carte Michelin au 1 millionième qui couvrait toute l’Afrique de l’ouest. Une journée de route vous faisait avancer d’à peine quelques  centimètres sur la carte. Et encore, si tout allait bien…  Sa technique consistait à aller vers le sud, en essayant de suivre les bonnes traces, c’est à dire les plus nombreuses et les plus fraiches. Mais André était plus une grande gueule qu’un fin connaisseur du désert. J’ai compris assez vite qu’ils m‘avaient embarqué pour pousser […]