L’arrivée Quatre jours après notre départ des Fidji, nous accostâmes sur l’île de Tanna, au Vanuatu. Plus exactement dans la baie de Port Resolution, du nom d’un des deux navires du capitaine Cook – le Resolution et l’Endeavour – qui y pénétrèrent en 1774.La baie est majestueuse, profonde, bien abritée des houles et des vents du sud. Elle est dominée au nord par le volcan Yasur, un hyperactif dont nous entendions régulièrement les puissants grondements. Des jets de vapeur s’élevant de ses flancs sur la rive nord conféraient à la baie un indéniable petit côté mystique.Port Resolution est célèbre pour son histoire, sa configuration et son volcan. Néanmoins, il ne mérite pas pour autant le nom de port, car il n’existe absolument aucune infrastructure digne de ce nom dans cette baie. Notre carte marine indiquait bien la présence d’un yacht-club, mais nous n’en voyions aucune trace. Nous apprîmes par la suite qu’un cyclone avait dévasté quelques mois plus tôt ce qui en tenait lieu : une simple paillote à l’extrémité du village. Port Resolution est également le nom du village qui en défend l’entrée (jolie expression médiévale totalement inadaptée à la situation). C’est un village de quelques centaines d’habitations dont […]
Mon bateau et moi avions dérivé dans les îles de la Société en attendant que les frontières maritimes s’ouvrent à l’Ouest. Les îles des petits archipels – comme les Cook, les Tonga, et les Samoa – prenaient leur temps. Elles s’étaient tellement protégées depuis le début du covid qu’elles surfaient encore sur la première vague tandis que les pays plus ouverts attendaient la prochaine série… Enfin, au cours de l’été 2022, probablement en manque de devises, elles se décidèrent à ouvrir leurs frontières aux touristes. J’accomplis mes formalités de sortie de Polynésie française à Bora Bora, où l’attitude débonnaire des gendarmes faisait plaisir à voir. Je filai ensuite vers l’île de Maupiti, puis l’atoll de Mopelia, la plus occidentale des terres habitées de la Polynésie française – quatre habitants à mon dernier recensement. Mopélia où j’attendis le bon créneau météo avant d’appareiller pour les Samoa. C’était le cœur lourd que je m’apprêtais à quitter la Polynésie après un an et demi de bons et loyaux services – si l’on considère que se laisser vivre est le meilleur service qu’un Occidental puisse rendre à l’humanité de nos jours… Mais après cette errance géographique et psychologique, où je n’avais pas pu écrire […]
Des problèmes de santé et des ennuis mécaniques m’amenèrent à faire une escale de plusieurs semaines à Papeete. Mon bateau et mon corps avaient tous deux décidé de faire une halte. La marina de Papeete, où sommeillent paisiblement une cinquantaine de voiliers, se situe en plein centre-ville. Elle jouit d’une proximité agréable avec les établissements chics de la ville, boutiques, bars et restaurants. Bien que Papeete soit un important port commercial du Pacifique, il y règne une atmosphère débonnaire, semblable à celle des petits ports de plaisance en métropole. Il semblerait que le style polynésien parvienne à imposer son suave tempo à cette brutale activité économique. C’était la première fois depuis mon départ de Marseille, il y a quatre ans, que je reprenais vraiment contact avec mes compatriotes et leurs préoccupations du moment. J’écoutais le journal de France Inter en podcast le matin à la radio, entamais des conversations de comptoir au café du coin et participais parfois à des discussions animées à l’apéro en fin de journée. Je me rendis compte à quel point j’étais déconnecté. Je m’étais absenté quelques années à peine, mais entre-temps, le monde avait basculé. Je me demandais si un voyageur qui reviendrait après un […]
À mesure que nous avions approché la terre, les insulaires avaient environné les navires… Tous venaient en criant « tayo », qui veut dire ami, et en nous donnant mille témoignages d’amitié… Arrivée de La Boudeuse et de L’Étoile à Tahiti le 7 avril 1768.Extrait du Voyage autour du monde de Bougainville Malgré l’envoûtante atmosphère des Tuamotu, la solitude, qui ne cessait de me poursuivre depuis ma traversée du Pacifique et m’avait un temps oublié aux Marquises, me rattrapa. J’appareillai pour Tahiti.« Tahiti ! Perle du Pacifique ! le monde entier connaît ton nom chantant ! Tu es la plus grande, la plus haute, la plus peuplée et la plus riche des îles polynésiennes ! Il y a deux cent cinquante ans, plus que toute autre, tu as su séduire Cook et Bougainville. » Ils y trouvèrent une population splendide, accueillante et joyeuse en diable, de la nourriture et de l’eau douce à profusion. Tahiti symbolisait pour eux le bonheur et la douceur de vivre. Après trois jours de navigation, j’arrivai au petit matin dans le port de Papeete. Des navires à grande vitesse fonçaient vers les îles, des avions frôlaient le haut du mât, des vedettes et des jet […]
… se touchant le crâne, en criant « J’ai trouvé ! »La bande au professeur Nimbus est arrivéeQui s’est mise à frapper les cieux d’alignement,Chasser les dieux du firmament. Le grand Pan, Georges Brassens Un matin, j’entendis un air que je connaissais bien. Ce petit air qui pénètre à pas feutrés dans votre esprit, votre cœur, vos veines, et qui vous invite à mettre les voiles sans tarder. Son nom : l’appel du large. Quelques heures plus tard, j’informai Teiki de mon départ prochain. Il ne s’en étonna pas et ne fit pas mine de me retenir.Au contraire, il décida sur-le-champ d’organiser une fête à tout casser ! « Tu ne pourras partir qu’après avoir dit au revoir à tout le monde : les amis, la famille et les dieux », me prévint-il. Pour cela, il allait lancer les invitations pour le week-end suivant. En prévision du festin, nous allâmes tuer un cochon et quelques chèvres dans les montagnes. La famille viendrait en bateau avec les boissons… Ça promettait ! Tout en préparant mon départ prochain, je m’étonnais qu’un peuple qui ne voyage presque jamais en dehors de son archipel, un peuple si éloigné des routes fréquentées – qui sait parfaitement qu’un voyageur qui part n’a que […]
… Voici la terre Tahiti. Mais où sont les hommes qui la peuplent ? Ceux-ci… Ceux-là… Des hommes Maori ? Je ne les connais plus : ils ont changé de peau. Victor Segalen, Les immémoriaux, 1907. Après une semaine de navigation, l’île de Hiva-Oa était en vue. Arriver aux îles Marquises, pour un voyageur, c’est comme atteindre la terre promise. Tant de légendes les précèdent. Vraies ou fausses, qu’importe, puisque c’est le rêve qui nous y a conduits. Et le rêve, en dilatant notre cœur et notre esprit, engendre l’aventure fantastique. Mais attention, l’aventure fantastique peut tourner court quand on n’y prend pas garde, ce qui arrive fréquemment aux simples touristes. Si, par exemple, sitôt débarqué à Hiva-Oa, vous demandez à voir la tombe de Brel et le musée Gauguin, sachez que leur seule évocation exaspère les Marquisiens. C’est un peu comme si on vous parlait de Neymar et Mbappé quand vous vous annoncez de Paris. Pour visiter les Marquises en évitant les écueils touristiques et découvrir cette étonnante civilisation, il n’y a rien de mieux que le voilier. Les douze îles de l’archipel sont distantes l’une de l’autre d’une journée de navigation tout au plus. Ces îles sont montagneuses et […]